samedi 21 septembre 2013, Siou Blanc (Rando Conte)

Répondre
Avatar du membre
christian
Messages : 750
Enregistré le : 03 janv. 2017, 08:50

samedi 21 septembre 2013, Siou Blanc (Rando Conte)

Message par christian »

Est- ce que vous savez où on se trouve ici ?
Oui c'est ça aux 4 chemins.
Sur le grand plateau de Siou Blanc... aux 4 Chemins.

Là bas, vers l'Est, c'est les Aiguilles de Valbelle et l'Abbaye de Montrieux où sont partis nos amis.
Par ici, à l'Ouest, plus loin il y a le village de Roquefort la Bédoule et au fond la Méditerranée.
Nansou venait souvent ici faire paitre ses brebis.
Lui était de là bas, vers le Nord, du village de signes, tout près.
Nansou, il était berger mais il avait un secret. Il ne voulait plus faire le berger.
Ce n'est pas qu'il n'aimait plus ses bêtes. Ce n'est pas qu'il n'aimait plus ses collines. Non !
Il adorait cette nature.
Nansou il avait un autre amour.
Un secret.
Nansou il aimait Nanette !
La fille de l'instituteur.
Elle sentait bon. Elle avait toujours de beaux habits bien propres. Tous les jours de la semaine, pas que le dimanche.
Alors pour elle il rêvait d'avoir lui aussi de beaux du dimanche qu'il mettrait tous les jours.
Pour elle il voulait devenir riche afin de pouvoir la choyer.
Pour pouvoir lui dire qu'il l'aimait.

Il y a avait une légende qui courait sur le plateau de Siou Blanc.
Une légende qui permettrait à Nansou de devenir riche.
On parlait d'un animal fabuleux qui errait dans ses terres.
Un sanglier géant à la toison d'argent !
Une légende... peut être pas...
Un jour d'automne les chasseurs avaient débusqué un sanglier.
Une bête massive, puissante. Enorme.
Personne n'avait réussi à la voir mais les dégâts qu'elle occasionnait à la végétation étaient impressionnants.
Un jour de septembre, donc, les chiens l'encerclaient. Les chasseurs seraient là d'un instant à l'autre.
Et quand ils arrivèrent... Plus rien. L'animal avait roulé au fond d'une doline et avait réussi à s'échapper. Mais plusieurs hommes avaient aperçu sa forme trapue et son pelage court et gris.
"C'était comme s'il était recouvert d'argent" avaient-ils dit.
Mais la bête était finaude et rapide et personne ne l'avait encore attrapée.

Son travail terminé Nansou devait se dépêcher s'il voulait apercevoir Nanette. Son père ne voulait pas la voir trainer dans le village. Alors Nansou montait souvent de Signes aux 4 chemins en vélo. A l'aller la montée était rude et longue, mais au retour, en vélo, la descente ne lui prenait que quelques minutes.

Un jour comme aujourd'hui, sur les coups de... 13 heures 30, 14 heures, Nansou entendit au loin en direction du Sud, par là bas, un bruit de branchages qui craquent. Le martèlement du sol sous un pas lourd.
Sans aucun doute l'animal, alourdit par le poids de sa toison recouverte d'argent, pesait sur le sol à chacun de ses pas, pensa-t-il.
Le froissement des feuilles parvint à ses oreilles plus distinctement encore.
S'il voulait avoir une chance d'attraper la bête il devait faire vite ! Alors Nansou sauta sur son vélo et s'élança à la poursuite l'animal !

De monotrace en piste, de descente en montée, Nansou arriva jusqu'ici.
Et ce qu'il vit le pétrifia d'effroi...
Point de sanglier. Non. Oh, non !
Nansou ne trouva... devant ... un éléphant !
Une bête sans doute échappée d'un cirque en tournée dans la région et qui avait réussi à survivre en se nourrissant de glands et de feuilles tendres et en trouvant auprès des nombreuses et abondantes sources du plateau suffisamment d'eau pour se satisfaire...
Mais Nansou était déçu.
Point de toison d'argent qui l'aurait rendu riche !
Point de beaux habits pour plaire à Nanette !
La colère l'envahit. Il se saisit d'une pierre et s'apprêta à la lancer à la tête de l'animal.

- Que t'ai-je donc fait pour que tu me traites ainsi, lui dit l'éléphant ?

- Je te croyais couvert d'argent. Tu étais mon trésor. Grace à toi j’aurais pu être habillé comme un prince et tant riche que Nanette m'aurait aimé, répondit Nansou.

- Ce n’est que cela ? Je te propose un marché. Tu ne révèles à personne mon existence, car je ne veux point retourner à ce cirque où on me battait et me nourrissait à peine et j'exhausse ton souhait.

- D'accord, répondit Nansou !

- Tu souhaites être habillé comme un prince ? Tu le seras jusqu’au jour qui te verra nu comme au premier.
Mais sache-le, tu n’auras plus dorénavant d’autres vêtements !

L’animal tapa du pied et le jeune homme fut mis comme un grand seigneur, portant vêtements de la dernière mode et parfaitement ajustés.

Le cœur plein de bonheur Nansou coupa court à travers la garrigue en direction de Signes afin de retrouver Nanette.
Mais à peine avait-il fait quelques mètres que la douleur des ronces qui le griffaient fut atroce.
Il craignit d’abord d’avoir abimé le vêtement puis il constata avec effarement que des gouttes de sang perlaient aux endroits des accros.
Non seulement les vêtements ne l'avaient pas protégé mais c'était les vêtements qui saignaient !
Les vêtements, étaient de chair et de sang, ils étaient sa chair et son sang !

Alors Nansou se retourna vers l'éléphant. Il tenait toujours la pierre dans sa main.

- Que m'as tu fais, hurla-t-il ? La colère envahit tout son être ! Il cria sa rage et son désespoir. Il se tenait debout face à l'animal.
Serrant les poings de toutes ses forces. Il cria : "Je te maudis ! Tu m'as trompé ! "
Il serra si fort ses poings sur la pierre que les arêtes saillantes entrèrent dans sa chair. Son sang se mêla à la roche.

- Je te maudis vil animal ! Que ta félonie soit punie. Il leva haut sa main. Le sang entraina des débris de roche en dégoulinant le long de l'avant bras.

- Par mon sang à cette roche mêlé que ton sang devienne aussi dur que la roche que je tiens dans ma main ! Que tu sois figé ici pour l'éternité !

Il enfourcha son vélo et s'éloigna de ce lieu.

Nansou erra longtemps sur le plateau de Siou Blanc, n'osant plus se montrer aux hommes ni encore moins à sa bien aimée. Il ne pouvait porter d'autres vêtements que ceux qui lui avaient été donnés par l'éléphant et son apparence devenait de plus en plus rebutante, le corps couvert de griffures, de croutes de meurtrissures. Des lambeaux de pans de tissus-peau pendant partout de son corps. Il avait perdu son troupeau depuis des lustres mais il avait toujours son vieux vélo.

Un jour qu'il était assis au bord de ce gouffre, un magnifique VTT noir vint rouler à ses côtés.
Il était sorti de nulle part et semblait n'appartenir à personne.
Une semaine passa et chaque jour le vélo revenait se poser là.
Apparaissant et disparaissant comme par enchantement.
Nansou décida finalement de voir ce qui se passerait s'il prenait le vélo et il l’enfourcha.
À peine Nansou en selle, le vélo partit à vive allure et l'emmena des heures durant à travers tout le plateau par des sentes insoupçonnées et virevoltantes, puis revint se poser à nouveau ici.

Une jeune fille apparut. Elle lui sourit et lui dit :
- Je t’attendais, je m’étais promis d’épouser l’homme qui oserait monter cet engin.

- Je ne puis... c'est Nanette que j'attends !

- Je peux être pour toi celle que tu désires, dit-elle ! Et la fille prit les traits et l'apparence de Nanette. Mais cela sera tant que nous serons sur la même monture et que tu me guideras, ajouta-t-elle.

Nansou accepta. Il monta sur le magnifique vélo. La fille se plaça derrière lui et aussitôt une autre selle apparut, transformant la machine en tandem. Nansou fila dans une belle descente. Il était heureux. Le pilotage était parfait. Il sentait à peine le poids de la fille derrière lui. Puis il fallut remonter. Sa souffrance fut alors terrible. Le poids la fille devenait impossible à tirer. Il n'arrivait plus à avancer. Ses muscles tétanisés ne parvenaient plus à faire tourner les manivelles. Il jeta un regard sur le pédalier et constata avec effroi qu'il n'y avait qu'un seul jeu de pédale, le sien, la fille n'en avait pas !
Il se retourna et se rendit compte que celle qui était assise derrière lui ne ressemblait pas du tout à Nanette. Pustuleuse, laide, malodorante, obèse, il la reconnut. Non pas qu'il l'eut déjà vu mais il en avait entendu parlé par les anciens du pays. Ce n'était donc pas une légende : La sorcière de Valbelle ! Elle était assise derrière lui et riait. Riait à gorge déployée. Son rire moqueur et victorieux résonnait d'arbre en arbre alors que Nansou suait sang et eau pour faire avancer le vélo.
Au bout d'efforts surhumains il arriva enfin ici même, au bord de l'abime.
- Tu t'es joué de moi femme, cria-t-il ! Tu as sali mon amour pour Nanette ! Maudite sois tu !
Alors, debout sur les pédales il donna une accélération fulgurante et d'un bond il sauta du vélo, précipitant l'engin et la femme au fond de l'abime
Abime de la femme maudite... Abime de Maramoye !

On dit que les soirs sans lune point n'est besoin d'avoir l’oreille exercée pour entendre venant des entrailles de la terre le bruit d'un vélo déboulant à pleine vitesse dans les méandres étroits du réseau sous terrain de l'abime. C'est la fille et son VTT, condamnée à pédaler jusqu’à ce que Nansou veuille bien lui pardonner. Ce qu'il n'a jamais fait !

Nansou reprit son vieux VTT et s'enfuit loin de ces lieux !

Il se posa ici. Malheureux, désemparé, et se mit alors à haïr cette nature qu'il avait tant aimé.
Il lui semblait que le rire dément de la sorcière résonnait toujours dans les grands troncs des pins .
Alors il se mit en tête de le faire disparaitre. Il pris son couteau de berger qu'il possédait toujours et se mit à égorger tous les arbres. Il leur fit de grosses entailles par où la sève s'écoulait.
Puis quand tous les arbres furent saignés il voulu les réduire en poussière.
Il construisit un grand four et les fit cuire doucement, à l'étouffée, pour qu'ils deviennent du charbon.
Quand il n'y eut plus aucun arbre il s'attaqua aux cailloux.
Par le feu eux aussi il les brûla les transformant en poussière.

Bien des années passèrent. Un soir, vieux et fatigué il arriva en ces lieux et s'allongea dans l'herbe pour se reposer. La brume l'enveloppa bientôt et fermant les yeux il partit au Royaume des Songes. Au petit matin, la chaleur du soleil levant scinda la couverture brumeuse en 4 petits nuages empreints chacun des rêves de Nansou.

Le premier à s'élever dans les airs dit : Je suis, son rêve de nourrisson, imprégnée de la chaleur du sourire de sa mère. Je suis le rêve de la pureté et de l'innocence... À peine ces derniers mots prononcés, le petit nuage se mua en papillon !

- Moi dit le second nuage, je suis son rêve d'enfant. Le rêve de la connaissance et de l'aventure. Le rêve de la découverte du monde. Le rêve des espoirs … À peine ces derniers mots prononcés, le petit nuage se mua en oiseau !

- Moi, dit le troisième nuage, je suis son rêve d’adolescent qui n’a qu’une pensée, qu’une aspiration.
L’Amour ! Le grand, le bel amour, un amour unique, pour toute une vie, un amour bleu, immense, infini comme le ciel azuré...
À peine ces derniers mots prononcés, le petit nuage se mua en bleuet !

- Moi, dit le dernier nuage, je suis son rêve d’homme. Cette nuit cet homme a rêvé de sa fiancée. Elle et lui réunis pour la vie marchant fièrement dans les rues de son village jusqu'à leur chaumière... Ah-la-la ! Mes amis, quelle nuit !
À l’évocation de cette nuit-là, le petit nuage rougit violemment… Et se mua en coquelicot !

Des hommes se rendant à la ferme découvrirent son corps sans vie.
Ses cheveux avaient blanchi. Il paraissait apaisé.
Il leur sembla voir un sourire dessiné sur ses lèvres.
Soudain le vent se leva. Et souffla si fort qu'il dispersa ses vêtements... et il leur apparut… nu comme au premier jour de sa naissance !

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
29 km et 700 m de dénivelé pour cette belle randonnée... Hé, 18h30 aux bagnoles quand même !
J'espère que cette approche différente d'une sortie VTT ne vous a pas trop semblé ridicule.
Enfin, comme dirait l'autre : " Voilà, ça c'est fait ! "

Pour info, le conte que je vous ai proposé est tiré des contes de Jean-Claude RENOUX suivants :
- L’homme aux habits de chair !
- Les trois rêves
- La fille du roi du fleuve

http://contespourtous.centerblog.net/6581998-

J'en ai fait un petit mixe pour l'adapter à notre sortie VTT à Siou Blanc.

En tous cas vous avez vu des fois comme c'est rigolo quand la fiction se mêle à la réalité : Elle nous a accompagné longtemps la sorcière de Valbelle !
Répondre