Plouc. Plouc. Plouc. Fait la goutte d'eau qui s'écoule du robinet de la baignoire.
Allongé. Immobile. De l'eau tiède jusqu'aux oreilles, je suis bien...
Plouc. Plouc. Plouc. Un de ces quatre il faudra que je prenne le temps de changer le joint, ouais quand le VTT va s'arrêter.
Instantanément le plouc-plouc se transforme en un glougloutement plus important. C'est maintenant carrément le gazouillement d'un ruisselet qui emplit ma tête.
Au loin un chien aboie et pourtant il n'est pas dans mon quartier. Il est dans le Garlaban.
D'ailleurs je ne suis plus dans ma baignoire. Je suis couché dans une vasque d'eau fraiche. Une haie de bambous me fait comme un petit havre de paix.
Le chien gambade dans le vallon. Mais il est tout bizarre.
Il n'aboie plus, il couine. Et surtout quand il descend.
D'ailleurs il ne court pas, il roule.
Subitement il se dresse fièrement sur sa roue arrière et file à toute vitesse dans le fond du ruisseau.
Il fait des bonds de côté. Hop, hop, un coup à droite, un coup à gauche.
Il fait fi des rochers. Avec vivacité il saute par dessus les petites mares.
A son cou pend une médaille et dans un rayon de soleil je lis "Sylvain".
Il est joueur et insouciant et je trouve que ce nom lui va bien.
Puis, tout à coup, un chuintement se fait entendre et il se dégonfle.
Tel un ballon de baudruche il est tout flasque et un souffle de vent l'emporte dans le ciel.
Je le suis du regard et alors le ciel s'assombrit. Une grande aile de rapace tourne au dessus de moi.
Je n'ai pas peur. Dans le rideau de mes paupières se dessine le contour de la silhouette d'un hibou.
Je souris car je sais sans l'observer davantage qu'il va se poser au sommet du Taoumé !
Des bribes de paroles parviennent à mes oreilles. Je ne comprend pas tout ce qu'il se dit. J'identifie des prénoms. Gérard, Philippe, Vincent...
Certains se sont évaporés, Jeannot, Alain, Jean-Jacques.
Tous sont là maintenant et ils ont entrepris la construction d'une grande arche en pierres entre Tête Ronde et Grande Tête Rouge. Un travail titanesque me dis-je, surtout s'il leur est interdit d'utiliser du mortier...
Et alors que je ne m'y attendais pas c'est mon prof de français de troisième qui vient me rendre visite dans les Escaouprès, tenant par la main Lili des Bellons et Marcel Pagnol.
Mon prof de français, mais qu'est ce qu'il vient faire là celui là !
Mais c'est n'importe quoi, je rêve ou quoi ?
Soudain je reconnais la voix de ma femme :
- Dis tu crois pas que t'as assez trempé maintenant, allez sors, c'est bientôt l'heure du repas !
- Hummmmm, trop bon, je crois que je me suis endormi dans la baignoire et j'ai fait un rêve ma-gni-fi-que !